Festival de Charmont 2011

(Photos de JN SIROT )

Les amateurs de bonne musique voient toujours arriver cette période de l’année avec satisfaction, car ils savent que dans un petit village même pas fortifié, une tribu d’irréductibles rockers prépare pour chaque printemps un festival propre à les réjouir. Sous un éclatant soleil quasiment estival qui faisait rutiler les chromes des voitures américaines et des motos, s’est ouverte ce samedi 21 mai l’édition 2011, qui semblait beaucoup promettre sur le papier, avec une affiche très alléchante.
Les promesses du programme allaient-elles être tenues sur scène ?

Lord Tracy & Co avaient la mission d’ouvrir le feu dans une formule acoustique devenue désormais traditionnelle, mais toujours nantie d’une mission difficile puisque devant meubler la durée des changements de plateau dans la salle. Outre bien sûr Lord Tracy, on remarquait également la présence à la basse de Julien Boisseau, dit Julienas, quelquefois présent aussi dans les rangs de Plug’n Play. Il émanait donc du groupe réuni un fort parfum de Jesus Volt, groupe présent sous sa forme électrique lors de l’édition 2010. Pour autant, le but poursuivi ici différait notablement avec cette bande de potes ayant choisi de se faire plaisir en s’emparant de reprises pour des versions inattendues, avec un choix de morceaux pas forcément toujours exposés ou connus ni sur les antennes ni même en concert. Rapidement, le public a compris que le pari était gagné et il s’est pressé tout au long de la soirée autour du groupe qui a su délivrer sans batteur des versions originales et fort intéressantes de titres provenant de tous horizons, mais toujours bien dans l’esprit de Charmont. Certes, on a eu du blues dans le lot, mais aussi des univers aussi éloignés que ceux de T-Rex, AC/DC, Elvis Presley, les Stooges (!) ou Creedence Clearwater Revival, pour n’en citer que quelques uns. Face à ces grands écarts dans leur répertoire, les musiciens ont su donner à l’ensemble une coloration personnelle qui a été très appréciée en raison de sa qualité. Pari gagné, donc, et avec les honneurs, même si on peut éventuellement émettre une (petite !) réserve sur certains titres qui ont « profité » de ce que les guitares électroacoustiques peuvent aussi sonner comme des électriques, perdant alors un peu du côté original de la formule.

L’ambiance de Charmont n’engendrait déjà pas la morosité dans un public venu pour se faire plaisir, mais la bonne humeur régnait franchement grâce à Lord Tracy & Co lorsque le moment est venu d’aller se presser dans la salle pour aller écouter le premier groupe électrique prévu, Alexx & the Moonshiners. Autant vous le dire tout de suite, l’ambiance n’est pas retombée ! Alexx s’est révélée une véritable showwoman, dotée d’une présence à la fois enthousiaste, généreuse et souriante. Bien soutenue par de solides Moonshiners distillant énergie, fantaisie et bonne humeur tout en n’excluant pas quelques prouesses techniques, notre chanteuse tatouée a elle aussi remporté rapidement l’adhésion d’une salle conquise par sa gouaille et sa prestation scénique. Une version toute personnelle du célèbre « Anarchy in the UK » des Sex Pistols est venue sceller le pacte : Alexx, toujours souriante, a pu faire sortir de scène ses Moonshiners complices sous des applaudissements nourris et mérités. Les spectateurs qui ne connaissaient pas pourront désormais sans rougir vanter les qualités de ce groupe.

Après un inévitable passage par la buvette pendant la deuxième prestation de Lord Tracy & Co, les régionaux de Plug’n Play se sont emparés de la scène pour livrer une prestation impressionnante de cohésion, comme à leur bonne habitude désormais, confirmant que leur unité sur scène, déjà constatée l’an dernier, n’était pas le fait du hasard, mais le résultat d’un gros travail, d’une expérience commune accrue et d’une progression continue. Que dire face à une performance de cette qualité qui respire un professionnalisme bien compris, une volonté d’aller de l’avant sans abandonner pour autant la simplicité et la complicité avec le public qui font aussi la force du groupe ? On pourra peut-être souligner à nouveau l’équilibre remarquable dans le son des guitares, y compris quand Alan est lui aussi à la Les Paul, malgré une salle pas toujours facile à sonoriser correctement pour la gestion des fréquences. Cet équilibre déjà remarqué l’an dernier se voit certifié par ce concert. Bien en place dans un répertoire essentiellement composé de morceaux originaux, le groupe a amené de grands sourires de satisfaction sur de nombreux visages d'une affluence nombreuse à cette heure de la soirée. J'espère qu’ensuite un grand nombre d’exemplaires de leur excellent dernier album a pu être vendu au comptoir qui sert de stand commercial juste derrière la salle. Et puis, montrant que la qualité de ces musiciens ne se limite pas à la musique justement, soulignons que Plug’n Play a su maintenir la tradition conviviale du bœuf, chère à Charmont. Retrouver Julien Boisseau sur scène avec le groupe n’est certes pas une surprise, mais il fut accompagné cette fois de Lord Tracy pour un « Red Hot Mama » bien senti à deux chanteurs…
comme le Plug’n Play d’autrefois !


Personnellement, j’attendais beaucoup des Medicine Hat : j’avais tout à la fois apprécié leurs époustouflants albums, délivrant un authentique rock sudiste de qualité, et la prestation de certains de leurs membres à Charmont, venus en 2007 (déjà !) accompagner Kelly Lee au sein de Thunderground.
Les deux membres leaders du groupe, le guitariste Steve Loveday et le chanteur-guitariste Mark Jackson, qui a lui la particularité de résider en Nouvelle Zélande (pratique pour les répétitions, ça !), avaient à cette époque brillé par leur absence. Cette année, ils étaient là, alors qu'allait donner le groupe sur scène?
La question allait très vite être réglée. Pour ne pas avoir été déçu, je n’ai pas été déçu ! Alors là mes amis, quelle claque ! Remontés comme des pendules, soucieux de montrer à Charmont le véritable visage du groupe au complet, les musiciens de Medicine Hat n’ont pas fait de quartier et ont sorti… de leur chapeau (désolé, pas pu m’en empêcher) un show absolument ahurissant. Ce groupe a visiblement la pointure internationale : du haut de sa stature imposante et doté d’un charisme et d’un potentiel de sympathie incontestables, Mark Jackson impose sa voix chaude et emmène son groupe sur les plus hauts sommets, tant techniques que scéniques, et aussi bien dans le swing que dans la mélodie. Il faut dire qu'il peut surfer sur le lyrisme pêchu du véritable guitar-hero que s’est révélé être Steve Loveday et sur le tricotage infernal de Mark Wright aux guitares, ainsi que sur une mise en place rythmique absolument époustouflante d’une section où le bassiste Lol Dalzeil semble toujours avoir avalé une pile atomique dès lors qu’il monte sur scène ! Les magnifiques compositions du groupe en sont ressorties magnifiées.
Le public de Charmont, complètement sur le c…, a fait un triomphe au groupe britannique qui s’est sournoisement offert en guise de rappel  un… « Ace of Spade » inattendu, car complètement transfiguré par l’intro country (!) de Mark Wright! Du délire ! Après ce set incroyable, les musiciens présents dans la salle se regardaient un peu incrédules, complètement sidérés par ce qu’ils venaient de voir et d’entendre. Un moment rare.

Du coup, un véritable défi se présentait aux Irlandais de Jaded Sun, qui ne s’attendaient probablement pas à un tel coup de la part des « vieux » de Medicine Hat ! Leur presqu’unique chance de s’en sortir et de justifier leur excellente réputation, en cette heure quand même tardive, était de délivrer un passage à haute énergie. Les première minutes du set ont confirmé qu’ils avaient tous les atouts en main : bien emmené, là aussi, par un excellent chanteur, John Maher, très charismatique et doté d’une voix tranchante, ce groupe soudé et compétent a commencé par alimenter à sa façon l’incendie allumé par Alexx, amplifié par Plug’n Play et embrasé par Medicine Hat, pour le plus grand plaisir des spectateurs présents. Croyez-moi, malgré leur nom ces Irlandais-là ne sont pas fatigués ! Et ça joue, bien en plus !
Un vrai bonheur dans lequel on pouvait remarquer le jeu de basse efficace et très élaboré de Damien Kelly, la slide de Sean Gosker et les prestations à l’harmonica de l’autre guitariste Eorann Stafford, bienvenues pour donner une couleur supplémentaire au son du groupe. Curieusement, le groupe a semblé s’accorder un break un peu précoce dans le set, pour le grand plaisir d’un public féminin ciblé, ce qui fait qu’on s’est un peu demandé si ce beau soufflé n’allait pas retomber, mais décidément, il en fallait plus pour éteindre nos Irlandais. Ils ont terminé sur les chapeaux de roues, s’en tirant eux aussi avec les honneurs, acclamés par une audience ravie et parachevant ainsi une soirée exceptionnelle.

2011, grand cru pour Charmont!

Y. Philippot-Degand

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